Cette journée scientifique organisée par les acteurs institutionnels français en matière de santé publique et de maladies infectieuses marque un tournant. Une longue série d’exposés extrêmement riches et pointus se sont succédés. Nous tâchons de vous en faire un (dense) résumé. Merci aux amis français d’AprèsJ20 et à notre « marraine » le Professeur Dominique Salmon d’avoir contribués à cette organisation remarquable.
Ouverture
- Pr Yazdan Yazdanpanah : Directeur de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes
Introduction générale : Il a ouvert la journée en insistant sur l’importance de la recherche autour du Covid long, en précisant que l’objectif est de coordonner les efforts entre chercheurs, institutions et patients.
Partenariats et financement : Il a évoqué le rôle de plusieurs partenaires comme Santé publique France, la Haute Autorité de Santé, et d’autres institutions dans l’organisation de cette journée. Il a mentionné que l’ANRS a financé des projets importants depuis 2021 pour un montant total de plusieurs millions d’euros, notamment pour mieux comprendre les syndromes post-Covid.
Insatisfaction des patients : Il a souligné la légitime frustration des personnes atteintes de Covid long, notamment en raison de diagnostics tardifs et d’un manque de traitements adéquats.
Objectifs de la journée : Il a réaffirmé que la recherche doit non seulement mieux comprendre les mécanismes du Covid long mais aussi améliorer les soins, en particulier pour les formes pédiatriques.
- Dr Caroline Semaille : Directrice de Santé publique France
Impact du Covid long en France : Elle a présenté des données épidémiologiques sur le Covid long, mentionnant que 4 % de la population adulte en France est touchée, soit environ 2 millions de personnes.
Études sur la prévalence : Deux grandes enquêtes ont été réalisées en 2022 pour estimer la prévalence du Covid long. Elle a insisté sur l’importance des données pour comprendre les groupes à risque et orienter les politiques publiques.
Inégalités sociales : Caroline Semaille a également abordé les inégalités sociales, en soulignant que certaines populations défavorisées ont été particulièrement touchées par la pandémie et les séquelles du Covid long.
Vaccination : Elle a insisté sur la nécessité d’encourager la vaccination, en particulier chez les personnes âgées, pour réduire le nombre de nouveaux cas de Covid long.
- Pauline Oustric : Présidente ApresJ20, Association Covid long France
Reconnaissance du Covid long et de ses impacts : Pauline Oustric a ouvert son discours en rappelant l’ampleur du Covid long à travers le monde :
« Ce sont plus de 2 millions de Français qui souffrent de Covid long, 36 millions en Europe et 400 millions dans le monde. »
Elle a également insisté sur l’importance de voir ces chiffres non seulement comme des statistiques mais aussi comme des réalités humaines :
« Nous ne sommes pas des chiffres, nous ne soignons pas des chiffres. Il y a des hommes, des femmes, des enfants qui veulent être entendus et surtout être acteurs de leurs soins. »
Appel à la reconnaissance institutionnelle : Elle a exprimé le besoin urgent de reconnaissance officielle du Covid long dans les soins :
« Nos besoins ont évolué… Nous les patients avons besoin en urgence de reconnaissance, que la reconnaissance du Covid long établie officiellement par les autorités se traduise concrètement sur le terrain. »
Problèmes de prise en charge et précarité : Pauline a évoqué les difficultés rencontrées par de nombreux patients, notamment l’accès aux dispositifs sociaux et médicaux :
« Trop de patients se voient encore refuser leur affection de longue durée, leur congé de longue maladie. Beaucoup trop encore sombrent dans la précarité faute de dispositifs adaptés. »
Formation des professionnels de santé : L’oratrice a plaidé pour une meilleure formation des médecins, soulignant que de nombreux malades sont mal pris en charge en raison d’un manque de sensibilisation :
« Plus aucun malade ne doit être éconduit par des professionnels de santé qui ne croient pas au Covid long faute de formation adaptée. »
Recherche et implication des patients : Pauline a également insisté sur l’importance de prioriser la recherche sur les traitements du Covid long et d’inclure les patients dans le processus :
« Nous appelons à une application accrue des patients dans les projets de recherche pour optimiser les prises en soins et les traitements. »
Urgence d’agir pour les enfants : Enfin, elle a souligné que le Covid long pédiatrique est souvent négligé :
« Le Covid long pédiatrique est trop souvent négligé… Nous avons besoin de recherches pour mesurer les conséquences de la maladie sur le développement cérébral des enfants. »
Session 1 : Épidémiologie & études en population
- Tatjana Makovski (Santé publique France) : Présentation sur les enquêtes transversales et la définition du fardeau du Covid long.
Fardeau du Covid long en population générale : Les études en population menées par Santé publique France ont révélé que 4 % de la population générale française est affectée par le Covid long, selon la définition de l’OMS. Des enquêtes ont été réalisées à deux périodes (mars-avril 2022 et novembre-décembre 2022) avec des méthodologies variées.
Influence des vagues d’infection : La première enquête a montré que 13 % des participants avaient une infection confirmée ou probable au Covid-19, et que parmi eux, 30 % répondaient aux critères du Covid long. En revanche, lors de la seconde enquête, 48 % des participants avaient contracté le virus, mais seulement 8 % remplissaient les critères de l’OMS.
Facteurs liés à la durée des symptômes : Parmi ceux ayant un Covid long, environ 30,9 % souffraient de symptômes depuis plus de 12 mois, et 22,4 % depuis plus de 18 mois.
Comparaison internationale : La diversité des définitions du Covid long complique la comparaison entre pays. Tatjana a présenté des résultats de concordance basée sur différents critères (OMS, NICE, CDC/NCHS, etc.), montrant des écarts significatifs dans la prévalence mesurée selon les définitions utilisées.
- Anne Pastorello (Université Paris Saclay, Inserm, Paris) : Période d’infection et Covid long en population générale.
L’exposé d’Anne Pastorello, basé sur les données de la cohorte EpiCov, a révélé les liens entre la période d’infection et le risque de développer des symptômes persistants du Covid long.
- Comparaison entre les vagues : L’étude a comparé les personnes infectées lors de la première vague (mars-mai 2020) et celles de la deuxième vague (septembre-novembre 2020). Le risque de développer des symptômes post-Covid était de 14,6 % pour la première vague, contre 7 % pour la deuxième, même après ajustement pour des variables sociales et de santé.
- Facteurs explicatifs : Cette différence de risque est attribuée à la sévérité de l’infection aiguë lors de la première vague, et non à l’impact de la vaccination ou des variants, qui n’étaient pas encore massivement présents à cette époque.
- Impact du contexte d’infection : L’étude met en avant que le contexte d’infection aiguë joue un rôle clé dans la persistance des symptômes à long terme, renforçant l’idée que les premières vagues, sans vaccins ni traitements adéquats, ont produit un fardeau de Covid long plus élevé.
- Cyrille Delpierre (Inserm, Toulouse) : Modèle intégratif du risque de Covid long.
Cyrille Delpierre a présenté un modèle intégratif du risque de Covid long, qui prend en compte une large gamme de facteurs pour expliquer la persistance des symptômes post-Covid.
- Facteurs influents : Le modèle regroupe des facteurs démographiques (âge, sexe, statut socio-économique), état de santé initial (santé physique et mentale avant l’infection), et comportements de santé (habitudes comme l’activité physique ou le tabagisme). Ces éléments sont déterminants dans l’apparition et la persistance des symptômes du Covid long.
- Résultats des études : Une étude menée en 2022 auprès de 1 813 adultes a permis d’évaluer ce modèle. Les résultats ont montré que la définition utilisée pour identifier le Covid long affecte les estimations de la prévalence, mais que les différents facteurs testés jouent un rôle dans la persistance des symptômes.
- Contexte global : Le modèle souligne que le Covid long résulte de l’infection, mais aussi de facteurs contextuels tels que les conditions de vie et le stress psychosocial. Des symptômes dépressifs ou anxieux avant l’infection augmentent le risque de symptômes persistants, indépendamment de la gravité de l’infection par le SARS-CoV-2.
Session 2.1 : Physiopathologie (partie 1)
Nicolas Huot (Institut Pasteur, Paris) : Exploration de la mémoire des cellules NK et leur rôle dans le Covid long.
L’exposé de Nicolas Huot met en avant le lien entre l’infection persistante et l’altération de la réponse immunitaire, en particulier via les cellules NK (Natural Killer) dans le contexte du Covid long.
Infection persistante : Le virus du SARS-CoV-2 peut persister dans les macrophages alvéolaires des poumons. Cette persistance est associée à une inhibition de l’action des cellules NK, perturbant leur capacité à éliminer les cellules infectées.
- Rôle de l’interféron gamma : Bien que l’interféron gamma ralentisse la réplication virale, il induit l’expression du CMH de classe E, qui empêche les cellules NK de tuer efficacement les cellules infectées.
- Impact sur les cellules NK : Les patients présentant une infection persistante montrent une diminution significative de la fréquence et de la fonction des cellules NK dans le sang et la moelle osseuse. La molécule THEMIS joue un rôle clé dans la régulation de la survie et de la signalisation des cellules NK, et son altération compromet leur réponse immunitaire.
- Conséquences immunitaires : En raison de cette inhibition, les cellules NK ne peuvent plus reconnaître et éliminer les cellules infectées, entraînant une dysfonction immunitaire prolongée. La persistance du virus active des mécanismes d’évasion immunitaire, aggravant ainsi l’état des patients atteints de Covid long.
Ce lien entre infection virale prolongée et dysfonction des cellules NK souligne l’importance de comprendre ces mécanismes pour mieux traiter le Covid long.
Guilherme Dias de Melo (Institut Pasteur, Paris) : Neuroinvasion et impact à long terme sur le cerveau.
L’exposé de Guillerm Dias des Méo porte sur la neuroinvasion du SARS-CoV-2 et ses effets à long terme sur le cerveau.
- Neuroinvasion et persistance virale : Le SARS-CoV-2 peut infecter les neurones dopaminergiques du tronc cérébral et les bulbes olfactifs, avec une persistance virale observée jusqu’à 80 jours après l’infection aiguë chez des hamsters, ce qui affecte des régions cérébrales dédiées à la cognition et la mémoire.
- Impact sur les fonctions cognitives : Les tests comportementaux ont montré des troubles neurocognitifs persistants chez les animaux infectés, incluant des symptômes d’anxiété, de dépression, et des déficits de mémoire, similaires à ceux observés chez les patients atteints de Covid long.
- Lien avec les maladies neurodégénératives : L’analyse transcriptomique a révélé des perturbations dans les voies génétiques associées aux maladies neurodégénératives (comme Parkinson), suggérant que l’infection prolongée pourrait déclencher ou aggraver ces pathologies.
Cette étude souligne le risque neurocognitif à long terme associé à la persistance du virus dans le cerveau.
Mireille Laforge (Inserm, Université Paris Cité) : Dérégulations immunes et métaboliques chez les patients Covid long.
L’exposé sur les dérégulations immunes et métaboliques dans le Covid long met en lumière l’impact de la persistance virale sur les patients.
- Dérégulations immunométaboliques et persistance virale : Le Covid long est marqué par des anomalies mitochondriales et des déséquilibres métaboliques, provoquant une réponse immunitaire altérée. Ces dérégulations favorisent la persistance du SARS-CoV-2 dans certains cas, ainsi que la réactivation de virus latents, conduisant à une inflammation chronique et à une mauvaise régulation immunitaire.
- Signatures métaboliques et immunitaires : Les patients Covid long présentent des déséquilibres dans des voies métaboliques clés (cycle de l’acide citrique, β-oxydation), ainsi qu’une activation anormale des cellules immunitaires comme les neutrophiles et les éosinophiles, favorisant un état inflammatoire prolongé.
- Stratification des patients : En utilisant des biomarqueurs immunométaboliques, les patients peuvent être classés en clusters distincts selon la gravité des symptômes, ce qui permet d’envisager des traitements personnalisés pour les cas de Covid long où la persistance virale joue un rôle majeur.
- Darragh Duffy (Institut Pasteur, Paris) : Réponse immunitaire antivirale persistante dans le Covid long.
L’exposé met en évidence la persistance virale comme un facteur clé dans le Covid long, provoquant une activation immunitaire continue.
- Persistance du virus : Des études d’autopsie montrent que le virus SARS-CoV-2 persiste dans plusieurs tissus bien après la phase aiguë, y compris dans les voies respiratoires et d’autres organes, déclenchant une réponse immunitaire prolongée.
- Activation antivirale : Chez les patients Covid long, la réponse immunitaire de type interféron reste active, avec une élévation des gènes ISG dans les monocytes, suggérant que le virus continue à stimuler la réponse antivirale même après la guérison apparente.
- Autoanticorps et symptômes neurologiques : Des études récentes révèlent une augmentation des autoanticorps ciblant des protéines du système nerveux central, particulièrement chez les patients avec des symptômes neurocognitifs, liant ainsi l’auto-immunité à certains cas de Covid long.
Cette persistance virale et la réponse immunitaire associée sont essentielles à appréhender pour comprendre la diversité des symptômes prolongés chez les patients Covid long.
Session 2.2 : Physiopathologie (partie 2)
Sónia André (Inserm, Université de Paris) : Rôle de l’épisode initial d’immunodéficience et le Covid long.
L’exposé de Sonia André met en lumière le lien entre immunodéficience en phase aiguë et l’évolution vers le Covid long.
- Lymphopénie et apoptose : Les patients Covid graves présentent une lymphopénie marquée, due à une apoptose accrue des cellules TCD4. Ce phénomène affaiblit leur système immunitaire, affectant la production d’anticorps et la qualité de la réponse humorale.
- Persistance virale : Une élévation des interférons bêta et lambda chez les patients Covid long suggère une persistance virale dans les muqueuses. Cette persistance est associée à une diminution des cellules TCD8 résidentes dans les muqueuses, compromettant le contrôle de l’infection.
- Réponse humorale IgA : Les patients Covid long montrent une réponse humorale plus élevée en IgA, reflétant une potentielle persistance du virus dans les muqueuses, particulièrement chez ceux ayant eu une phase aiguë sévère.
Cette immunodéficience précoce pourrait expliquer la progression vers un Covid long, marquée par une persistance virale et une activation immunitaire chronique.
Vincent Prévot (Inserm, Lille) : Explication neuroendocrinienne des troubles cognitifs post-Covid.
L’exposé explore les mécanismes neuroendocriniens liés aux troubles cognitifs post-Covid, mettant en avant la persistance virale et son impact sur le cerveau.
- Neuroinvasion et persistance virale : Le SARS-CoV-2 peut traverser la barrière hémato-encéphalique, causant des vaisseaux fantômes et des micro-saignements dans le cerveau. Ces dommages suggèrent une persistance virale, même chez des patients ayant eu des formes légères de Covid, compromettant les structures cérébrales à long terme.
- Neurones hypothalamiques GnRH : Le virus affecte les neurones GnRH (neurones de libération de la gonadolibérine), situés dans l’hypothalamus. Ces neurones jouent un rôle essentiel dans la régulation des hormones de reproduction, comme la testostérone. Leur altération chez les patients Covid long entraîne une baisse de la libido et des niveaux de testostérone, en plus de contribuer à des troubles cognitifs.
- Conséquences endocriniennes et neurodégénératives : Ces dysfonctionnements hypothalamiques, exacerbés par la persistance virale, peuvent accélérer le vieillissement cérébral et accroître le risque de troubles neurodégénératifs. Certains patients voient ces symptômes persister plus d’un an, avec des impacts potentiellement durables sur leurs fonctions cognitives et endocriniennes.
Cette persistance virale dans le cerveau, en affectant les neurones GnRH, explique en partie les symptômes prolongés du Covid long.
Raphaël Gaudin (IRIM, CNRS, Université de Montpellier) : Impact de SARS-CoV-2 sur l’homéostasie synaptique.
L’exposé met en évidence les perturbations synaptiques et l’impact de la persistance virale du SARS-CoV-2 dans le cerveau.
- Infection à bas bruit et persistance virale : Le SARS-CoV-2 montre une réplication lente dans les neurones, sans provoquer d’inflammation notable, mais cette persistance virale peut entraîner des perturbations synaptiques durables. Les analyses post-mortem ont révélé des infections neuronales sans signe clinique préalable, suggérant que le virus peut rester actif dans le cerveau à faible niveau, notamment chez des patients asymptomatiques sur le plan neurologique.
- Perturbations synaptiques : La persistance du virus provoque une augmentation anormale des protéines synaptiques et un allongement des synapses, perturbant la transmission du signal électrique entre les neurones. Ces anomalies ont été observées dans des organoïdes cérébraux et des cerveaux humains infectés. La réplication virale à bas bruit pourrait ainsi expliquer certaines des dysfonctions cognitives observées chez les patients Covid long.
- Dysfonctionnement électrique : La perturbation de l’homéostasie synaptique se manifeste par des anomalies électriques mesurées via des micro-EEG. L’utilisation du peptide Stachel a partiellement restauré cette activité électrique, indiquant une voie thérapeutique potentielle pour contrer les effets des synapses dysfonctionnelles causées par le virus.
Ces résultats soulignent que, même en l’absence d’une forte neuroinflammation, la persistance du SARS-CoV-2 dans le cerveau peut conduire à des troubles synaptiques et des symptômes cognitifs durables chez les patients Covid long.
Session 3 : Enfants et Covid long
Aurélie Morand (AP-HM, Marseille) : Covid long chez l’enfant : présentation clinique, explorations et prise en charge.
L’exposé sur le Covid long chez l’enfant met en lumière l’impact de cette pathologie encore sous-estimée. Le Covid long pédiatrique est décrit comme un ensemble de symptômes persistants, incluant une fatigabilité importante, des troubles cognitifs (concentration, mémoire) et des symptômes physiques variés tels que la tachycardie, des troubles du sommeil, et des douleurs abdominales. Ces symptômes peuvent persister plusieurs mois, affectant gravement la qualité de vie des enfants, y compris leur rendement scolaire et leurs interactions sociales.
Le diagnostic est souvent compliqué par la difficulté des enfants à verbaliser leurs symptômes, et il est essentiel d’éliminer les autres causes potentielles avant de conclure à un Covid long. La fluctuation des symptômes dans le temps et la tendance aux rechutes après des efforts physiques ou émotionnels sont des caractéristiques typiques.
Le pacing est la principale approche thérapeutique recommandée, consistant à ajuster les activités physiques et cognitives en fonction de la tolérance de l’enfant. Cependant, il n’existe pas encore de traitement validé pour cette condition, et la recherche est nécessaire pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents.
Les enjeux incluent aussi la maltraitance institutionnelle due au manque de reconnaissance du Covid long pédiatrique, soulignant la nécessité d’une meilleure sensibilisation du corps médical et enseignant pour éviter des erreurs de prise en charge.
Session 4 : Essais cliniques
Modération :
- Olivier Robineau (Centre Hospitalier de Tourcoing, Université de Lille, Lille)
- Céline Grassien (ApresJ20 : Association Covid Long France)
Intervenants :
Dominique Salmon (Hôtel Dieu, Institut Fournier, Paris) : Panorama des essais cliniques en cours
L’exposé offre un panorama complet des essais cliniques en cours pour le Covid long, en mettant en avant les traitements symptomatiques et les essais visant des interventions causales.
- Traitements symptomatiques : Il est rappelé que la prise en charge recommandée repose sur quatre piliers : le traitement symptomatique, l’information des patients, l’autogestion (notamment avec le pacing), et la prise en charge psychologique. Les traitements actuels incluent des solutions comme les antihistaminiques pour les syndromes d’activation macrophagique, les antidépresseurs, ou encore la rééducation respiratoire. Ces approches, bien qu’améliorant la qualité de vie, ne sont pas curatives.
- Essais causaux : Sur les 541 essais cliniques pour le Covid long, seuls 22 portent sur des interventions pharmacologiques visant les causes profondes. Les essais sont classés en différentes approches : antivirales, immunomodulatrices, neuromodulatrices, et anticoagulantes. Les premiers résultats d’un essai antiviral avec Paxlovid n’ont pas montré de différence significative, soulevant des questions sur la pertinence de l’hypothèse de persistance virale. Il est envisagé que des thérapies antivirales plus longues ou plus puissantes, ou des combinaisons de traitements, soient nécessaires.
- Essais antiviraux en cours : Plusieurs essais sont en cours pour tester des antiviraux comme le Paxlovid, le Valacyclovir (contre la réactivation des virus herpétiques), et le TLMimab (contre les rétrovirus latents). La difficulté réside dans l’identification de biomarqueurs fiables et de critères de jugement appropriés pour évaluer ces traitements.
- Neuromodulation et immunomodulation : Des essais sur la naltrexone à faible dose, utilisée comme neuromodulateur, ont montré des améliorations chez certains patients. D’autres essais explorent des traitements comme le lithium, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, ou encore l’oxygénothérapie hyperbare pour améliorer la perfusion cérébrale.
- Anticoagulants et aphérèses : Des essais sur les anticoagulants cherchent à traiter le risque de thrombose persistant en phase chronique. Une étude en Afrique du Sud montre des résultats prometteurs. L’aphérèse, une technique de filtration du sang pour éliminer les autoanticorps et les cytokines, fait l’objet de peu de publications, malgré une utilisation croissante.
Cette revue souligne la nécessité de poursuivre les recherches avec des essais bien conçus, même si les résultats initiaux sont négatifs notamment au niveau des antiviraux en raison de la somme de preuves qui font que la persistance virale n’est plus une hypothèse.
Mayssam Nehme (Hôpitaux universitaires de Genève, Suisse) : Essais cliniques – expérience de RCT multicentriques sur le post-Covid
L’essai clinique multicentrique mené par les Hôpitaux Universitaires de Genève a exploré l’impact d’un traitement à base d’anticorps monoclonal (temelimab) sur les symptômes du Covid long, notamment la fatigue et les troubles cognitifs. L’hypothèse centrale reposait sur la réactivation de rétrovirus endogènes (W-ENVE) déclenchée par le Covid-19, entraînant une inflammation pathologique.
- Traitement ciblé : Le temelimab, administré sur 6 mois, visait à neutraliser la protéine W-ENVE pour réduire la fatigue et les troubles neurologiques chez les patients. Bien que prometteur, l’essai n’a montré aucune efficacité significative sur ces symptômes.
- Challenges et résultats : Les résultats négatifs, malgré la rigueur du protocole, ont soulevé des questions sur la pertinence des mesures subjectives, comme les échelles de fatigue. Des analyses secondaires sont en cours pour identifier des sous-groupes de patients pouvant répondre au traitement.
- Enjeux de publication : Le partage des résultats négatifs est essentiel pour affiner les recherches futures, éviter les répétitions et ajuster les hypothèses, notamment sur le rôle des rétrovirus dans les mécanismes du Covid long.
Échanges, questions-réponses :
- Discussion avec les intervenants, modérée par Olivier Robineau et Céline Grassien
Session 5 : Comprendre les symptômes persistants et prioriser les recherches futures
Modération :
- Pierre Gabach (Haute Autorité de Santé, Paris)
Intervenants :
- Xavier Lescure (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), Paris)
- Morgane Bomsel (CNRS, Institut Cochin, Inserm, Université de Paris Cité, Paris)
- Olivier Robineau (Centre Hospitalier de Tourcoing, Université de Lille, Lille)
- Dominique Salmon (Hôtel Dieu, Institut Fournier, Paris)
- Solenn Tanguy (Présidente association Winslow Santé Publique)
1. Les points positifs et négatifs des premières années de recherche sur le Covid long :
- Solenn Tanguy a souligné le peu de progrès dans la gestion du Covid long malgré les avancées en recherche fondamentale. Elle déclare :“Nous sommes dans une situation où il n’y a plus de prévention et pas encore de traitement.” Le manque de reconnaissance du Covid aigu et du Covid long est un problème majeur selon elle, avec une minimisation constante de la maladie. Elle ajoute :“Le Covid aigu est souvent comparé à un rhume, sans évoquer qu’il peut mener à des formes chroniques graves.”
- Le Professeur Dominique Salmon a salué les progrès sur la persistance virale, soulignant :“La persistance du virus est irréfutable maintenant, c’est la base sur laquelle nous devons continuer de travailler.”
Elle mentionne également les avancées dans les domaines de l’immunologie et de la métabolomique, ouvrant la voie à des biomarqueurs pour mieux diagnostiquer et traiter les patients.
2. Les défis dans les essais cliniques et les approches thérapeutiques :
- Morgan Bomsel a fait écho aux propos de Dominique Salmon, ajoutant que la recherche sur la persistance virale a progressé, mais a souligné un besoin de collaboration renforcée entre chercheurs et cliniciens.
- Un point critique soulevé par Olivier Robineau est la difficulté d’obtenir des prélèvements biologiques en phase aiguë pour suivre l’évolution de la maladie vers un Covid long. Selon lui,“Nous manquons de prélèvements biologiques pour comprendre la genèse du processus et suivre son évolution.”
3. La nécessité d’une approche multidisciplinaire et globale :
Les intervenants ont insisté sur l’importance de mettre en place des essais cliniques multidisciplinaires, tout en soulignant que des biomarqueurs spécifiques devraient être identifiés pour standardiser les résultats.
Dominique Salmon a exprimé le besoin de centres pluridisciplinaires :
« Ces centres pourraient traiter les patients tout en fournissant la recherche, comme cela a été fait pour le VIH. »
Elle a aussi insisté sur l’inclusion d’autres populations post-infectieuses dans les essais, comme les patients atteints de syndrome post-Lyme ou de syndromes post-EBV.
Synthèse de la journée
Marc Bardou (CHU Dijon, Dijon)
Récapitulatif des points clés : Marc Bardou a été chargé de faire une synthèse de la journée. Il a abordé plusieurs sujets déjà mentionnés, notamment la robustesse des données épidémiologiques sur la prévalence du COVID long en France, mais a également noté un manque de données chez les enfants.
Manque de coordination des essais : Il a souligné l’importance d’organiser davantage d’essais cliniques et de cohorte pour étudier le COVID long, mais regrette que peu d’essais voient le jour. Il existe des blocages dans la mise en place des essais malgré la demande croissante.
Physiopathologie du COVID long : Il a discuté des différentes pistes physiopathologiques explorées, notamment l’immunité (cellules NK, cellules CD4) et les modèles animaux pour la neuroinvasion du virus. Cependant, il a exprimé ses doutes sur certaines hypothèses, suggérant que des travaux en silo empêchent une vision globale et interfèrent avec les avancées thérapeutiques.
Problèmes méthodologiques dans les essais cliniques : Beaucoup d’essais thérapeutiques souffrent de problèmes méthodologiques (taille insuffisante, mauvaise conception). Une des principales difficultés est d’identifier quelle est la cause principale du COVID long, rendant les essais cliniques moins efficaces.
Intervention de la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS)
Julie Lagrave (Cheffe du pôle recherche et accès à l’innovation, ministère de la Santé)
Elle a pris la parole pour souligner l’importance du soutien du ministère de la Santé à la recherche sur le COVID long. Voici les points clés de son intervention :
- Soutien financier du ministère : Depuis 2020, le ministère a financé 116 projets liés au COVID, dont 6 spécifiquement sur le COVID long, pour un montant total de 61 millions d’euros. Elle a insisté sur le fait que le soutien à la recherche reste une priorité pour le ministère.
- Appels à projets : La DGOS pilote plusieurs appels à projets annuels, dont certains dédiés au COVID et au COVID long. Le dernier appel à projets venait de se clôturer peu avant son intervention, et les chiffres des projets soumis n’étaient pas encore disponibles.
- Importance des méthodologies robustes : Julia Lagrave a souligné la nécessité de travailler sur des méthodologies solides pour garantir la qualité des essais cliniques à venir. Elle a également évoqué le besoin d’une harmonisation des critères d’inclusion des patients dans les études, notamment via l’utilisation de biomarqueurs.
- Prévention et pédiatrie : Elle a relevé que certains domaines comme la prévention et la pédiatrie sont encore sous-investis dans la recherche actuelle sur le COVID long et devraient faire l’objet d’une attention accrue dans les projets futurs.
- Inclusion des patients dans la recherche : Elle a mis en avant l’importance d’inclure les patients, surtout ceux vivant avec le COVID long, dans la conception et la réalisation des essais cliniques, car ils deviennent souvent des experts de leur propre maladie.
Clôture
Pr Didier Samuel : Président-directeur général de l’Inserm
Didier Samuel, Président Directeur Général de l’INSERM, a pris la parole en conclusion de la journée scientifique sur le COVID long. Voici les points essentiels de son intervention :
- Investissements de l’INSERM dans la recherche sur le COVID long : Didier Samuel a rappelé que l’INSERM avait investi 3 millions d’euros en 2021 pour soutenir 8 projets, et 7 millions d’euros en 2022 pour 19 projets de recherche, en collaboration avec la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. À ce jour, l’INSERM soutient 9 projets cliniques, 10 projets de recherche fondamentale, ainsi que 8 projets dans le domaine des sciences humaines et sociales sur le COVID long.
- Caractéristiques du COVID long : Il a décrit le COVID long comme une pathologie complexe, caractérisée par une multiplicité de symptômes et des syndromes divers qui suggèrent qu’il s’agit de plusieurs pathologies regroupées sous un même terme. Il a insisté sur le fait que cette diversité nécessite une approche pluridisciplinaire, impliquant des virologues, infectiologues, cliniciens, et autres spécialistes.
- Collaboration avec les associations de patients : Didier Samuel a souligné l’importance de la collaboration avec les associations de patients. Cette approche, déjà utilisée dans le contexte du VIH, a permis de créer un dialogue précieux entre chercheurs et patients, et est essentielle pour avancer dans la compréhension et le traitement du COVID long.
- Enjeux non résolus : Plusieurs questions restent ouvertes, notamment concernant l’origine des symptômes du COVID long. Il a évoqué la persistance virale, les troubles immunitaires ou auto-immuns, et la possibilité d’une toxicité directe du virus. Didier Samuel a insisté sur la nécessité d’investiguer ces pistes pour comprendre l’impact de la persistance du virus ou de fragments viraux sur les symptômes observés.
- Défis méthodologiques : Il a mis en avant la nécessité de définir des méthodologies robustes pour avancer dans la recherche sur le COVID long, soulignant l’importance d’harmoniser les critères d’inclusion des patients et de combiner différentes approches dans les projets futurs.
- Vision à long terme : Didier Samuel a conclu en insistant sur le besoin d’une organisation continue de la recherche sur le COVID long et d’autres pathologies post-infectieuses. Il a mentionné le travail en cours sur des programmes concernant les maladies inflammatoires chroniques et auto-immunes, soulignant le rôle que les virus peuvent jouer en tant que déclencheurs de ces maladies.
Pr Lionel Collet : Président, Haute Autorité de santé
Lionel Collet, en tant que Président de la HAS, a insisté sur l’importance du COVID long comme un enjeu de santé publique. Il a rappelé que cette pathologie touche environ 2 millions de personnes en France, ce qui en fait une priorité pour les autorités de santé et la recherche.
Il a présenté le rôle central de la HAS, qui, depuis sa création il y a 20 ans, se distingue comme une autorité indépendante et scientifique. Son objectif principal est d’assurer la rigueur et la pertinence des recommandations de santé. Il a ainsi souligné que la HAS a déjà produit 15 fiches de réponses rapides sur le COVID long depuis 2021, la dernière en date concernant la kinésithérapie. Actuellement, des travaux sont en cours sur les troubles cognitifs liés au COVID long, et un parcours de soins pour les patients pédiatriques devrait être publié début 2024.
Lionel Collet a insisté sur la nécessité d’adopter des méthodologies robustes et des critères d’inclusion bien définis pour les essais cliniques. Il a fait appel aux chercheurs pour produire des données rigoureuses et soutenir la recherche clinique avec des essais bien conçus. Selon lui, ces efforts sont essentiels pour améliorer la prise en charge des patients et, en fin de compte, pour guider la politique de santé publique.
Dans sa conclusion, Lionel Collet a rappelé les mots de Pauline Oustric, qui reflètent l’importance de la collaboration étroite entre les patients, les cliniciens, et les chercheurs pour construire une recherche solide. Il a également cité une phrase de la présidente du Conseil scientifique de cette journée, en lien avec les discussions menées lors de la session J20, soulignant que « nous avons besoin de vous, les chercheurs, et nous avons besoin de données rigoureuses pour répondre aux attentes des patients ». Cela rappelle le rôle essentiel des essais cliniques et des données fiables pour le progrès scientifique et l’amélioration des traitements.
Lionel Collet a donc conclu en réitérant l’engagement de la HAS à rester une institution guidée par la science et l’indépendance, tout en répondant aux besoins réels des patients atteints de COVID long.
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