Rapport de l’Institut National de Santé Publique du Québec

https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/3510-affectation-post-covid-19-personnel-sante-phase-1.pdf

Dans leur rapport d’enquête épidémiologique, Sara Carazo, Gaston De Serres, Manale Ouakki, et al., de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), mettent en lumière les effets de l’affection post-COVID-19 sur les travailleurs et travailleuses de la santé du Québec​. Cette étude, qui couvre les mois de mai à juillet 2023, dresse un bilan inquiétant des répercussions de cette affection prolongée sur une population particulièrement vulnérable, soulignant ainsi l’urgence de mesures adaptées.

L’un des enseignements majeurs de cette enquête est l’impact significatif de l’affection post-COVID-19 sur l’absentéisme dans le secteur de la santé, accentuant la pénurie de personnel et menaçant la capacité des établissements à fournir des soins. En effet, le rapport révèle que les soignants eux-mêmes, souvent appelés à travailler en première ligne, se trouvent parmi les plus affectés, devenant ainsi des « cordonniers mal chaussés» dans leur propre système de santé. Les données montrent en outre que le risque d’affection post-COVID-19 s’accroît avec chaque infection répétée, posant un risque cumulatif grave pour les professionnels constamment exposés au SRAS-CoV-2.

« Le risque cumulatif d’affection post-COVID-19 augmente avec le nombre d’infections passant de 13 % avec une infection, à 23 % avec deux infections et atteignant 37 % pour trois infections. »​.

1. Introduction au contexte de l’étude

Définition de l’Affection Post-Covid et importance pour la santé publique

L’étude commence en contextualisant l’Affection Post-Covid, également appelée COVID longue (Covid long, Long Covid), qui se manifeste par des symptômes persistants au-delà de l’infection aiguë. Cette condition reste un défi majeur, non seulement pour la santé des individus mais aussi pour le système de santé dans son ensemble, en raison de son impact prolongé sur les capacités fonctionnelles des personnes touchées.

« L’Affection Post-Covid est définie comme la persistance de symptômes pendant au moins 12 semaines suite à un épisode aigu de COVID-19. »​

Objectif de l’étude et mandat de l’INSPQ

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a reçu un mandat épidémiologique de la part du Directeur national de santé publique pour évaluer l’impact de l’APC sur les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux. Ce groupe, étant en première ligne, est particulièrement vulnérable aux conséquences de la COVID-19, et cette étude se propose de quantifier les effets à long terme de la maladie sur cette population critique pour le maintien des soins.

« Les implications de l’APC sur la société pourraient être considérables si des symptômes graves de l’APC perdurent et entraînent des incapacités à long terme…»​.

Utilité publique de l’étude

L’importance de cette enquête s’étend au-delà du personnel de santé, en raison de l’impact direct du Covid long sur la disponibilité des ressources humaines dans le système de santé. Avec des symptômes pouvant persister de longs mois, les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux affectés par l’APC risquent de voir leurs capacités de travail diminuées, menaçant ainsi la résilience du système de soins dans une période où la demande est élevée.

« L’estimation de la prévalence et la description des conséquences de l’APC chez les Travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux ayant fait la COVID-19 sont d’une importance fondamentale, compte tenu de l’ampleur de la population infectée depuis le début de la pandémie et du manque de personnel dans le réseau… »​.

2. Fréquence et impact de l’Affection Post Covid parmi les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux

Prévalence et récurrence de l’APC

Les résultats de l’étude montrent une prévalence importante du covid long parmi les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux, avec des taux qui augmentent en fonction du nombre de réinfections par le SRAS-CoV-2. Cette information est essentielle pour comprendre comment les réinfections accroissent les risques de symptômes persistants et donc l’incapacité potentielle dans cette population.

« Parmi les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux ayant rapporté avoir eu la COVID-19, environ 15 % ont présenté des symptômes persistant pendant 12 semaines ou plus après l’infection initiale. Au moment de l’enquête, on estime que 6 % de tous les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux du Québec présentaient encore des symptômes d’APC. ».

Impact de la récurrence des infections

L’enquête montre que le risque de Covid long augmente de manière cumulative avec chaque réinfection par la COVID-19. Cela signifie que plus les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux contractent le virus, plus la probabilité de développer des symptômes persistants est élevée. Ce constat est particulièrement préoccupant pour les travailleurs de la santé, qui, étant exposés de manière répétée au virus, courent un risque accru de développer des symptômes durables.

« Le risque cumulatif d’APC augmente avec le nombre d’infections passant de 13 % avec une infection, à 23 % avec deux infections et atteignant 37 % pour trois infections. »​.

Symptômes persistants les plus fréquents

Les travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux affectés par le Covid long signalent une gamme de symptômes physiques et cognitifs qui nuisent à leur qualité de vie et leur capacité de travail. Parmi ces symptômes, la fatigue, l’essoufflement, les troubles de la concentration et le brouillard mental sont les plus répandus, touchant la majorité des cas et limitant gravement la capacité des Travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux à reprendre leur activité professionnelle normale.

« Les symptômes les plus fréquents chez les cas d’Affection Post-Covid qui présentaient des symptômes au moment de l’enquête étaient la fatigue (72 %), de l’essoufflement (53 %), des problèmes de concentration ou de mémoire (50 % et 48 %) et du brouillard mental (44 %). »​.

Sévérité des symptômes et impact fonctionnel

L’étude catégorise la sévérité des symptômes en trois niveaux : légers, modérés, et sévères. Près de la moitié des cas présentent des symptômes modérés, et un tiers souffrent de symptômes sévères, ce qui a un impact direct sur leur capacité à travailler. Cette répartition illustre la diversité du covid long, allant de symptômes relativement gérables à des conditions qui affectent profondément la vie quotidienne et professionnelle.

« Un quart des cas d’affection post-covid qui présentaient des symptômes au moment de l’enquête avaient seulement des symptômes légers, 42 % avaient au moins un symptôme modéré sans symptômes sévères et un tiers avaient au moins un symptôme sévère. »​.

3. Facteurs de risque de l’affection post-COVID-19

Groupes démographiques à risque

L’étude montre que certains groupes au sein des travailleurs et travailleuses de la santé sont plus à risque de développer une affection post-COVID-19. Les femmes, les individus âgés de 40 à 59 ans, ainsi que les personnes issues de minorités raciales et ethniques présentent des risques accrus de développer des symptômes persistants après une infection au COVID-19.

« Le risque d’affection post-COVID-19 était plus élevé chez certains groupes de travailleurs et travailleuses de la santé : les femmes, les personnes de 40 à 59 ans par rapport aux plus jeunes ou aux plus âgées, et les personnes défavorisées sur le plan économique, ainsi que celles appartenant à certaines minorités raciales/ethniques. »​.

Impact des comorbidités

Les travailleurs et travailleuses de la santé ayant certaines conditions médicales préexistantes sont également plus susceptibles de développer une affection post-COVID-19. Les maladies respiratoires chroniques, les troubles dépressifs et l’obésité sont des facteurs de risque notables, suggérant que la présence de ces comorbidités pourrait aggraver les effets persistants de la COVID-19.

« Le risque d’affection post-COVID-19 était plus élevé chez les travailleurs et travailleuses de la santé porteurs de maladies respiratoires chroniques, d’un trouble dépressif ou d’obésité. »​.

Influence de la sévérité de l’infection initiale et des variants du virus

L’étude a également révélé que les travailleurs et travailleuses de la santé ayant eu une infection initiale sévère (par exemple, nécessitant une hospitalisation) ont un risque accru de développer une affection post-COVID-19. De plus, les personnes infectées par le variant original du SRAS-CoV-2 ont un risque deux fois plus élevé de développer des symptômes persistants par rapport à celles infectées par les variants Alpha, Delta, ou Omicron.

« Le risque d’affection post-COVID-19 était environ deux fois plus élevé pour les personnes infectées pendant la période de circulation de la souche ancestrale du SRAS-CoV-2 comparativement aux périodes de circulation des variants Alpha, Delta et Omicron. »​.

Ces résultats montrent l’importance de prendre en compte les caractéristiques individuelles, l’historique de santé, et les détails de l’infection initiale pour comprendre le risque de développer une affection post-COVID-19. Cela peut également orienter les politiques de prévention et les priorités en matière de soins pour les travailleurs et travailleuses de la santé.

4. Accès aux soins et lacunes pour les travailleurs et travailleuses de la santé touchés par l’affection post-COVID-19

Demandes de soins insatisfaites

L’étude révèle qu’une majorité des travailleurs et travailleuses de la santé souffrant d’une affection post-COVID-19 expriment un besoin non comblé pour des soins spécifiques, comme des traitements médicaux, de la réadaptation et du suivi psychologique. Bien que de nombreux cas nécessitent ces soins, seule une fraction obtient l’aide requise, révélant une insuffisance marquée dans la réponse du système de santé.

« Des soins médicaux ont été souhaités par 67 % des cas d’affection post-COVID-19, mais obtenus par 48 % d’entre eux, alors que des services de réadaptation et de suivi psychologique ont été souhaités par les tiers des cas, mais obtenus par seulement 12 % de ceux-ci. ».

Besoins accrus pour les cas graves

Les travailleurs et travailleuses de la santé avec des symptômes sévères demandent des services à un taux deux à trois fois supérieur à ceux qui ont des symptômes légers. Les lacunes en soins se révèlent particulièrement prononcées pour la réadaptation et le soutien psychologique, domaines où les besoins sont les plus pressants mais où l’accès reste extrêmement limité.

« La demande de soins médicaux, de services de réadaptation et d’ergothérapie et de suivi psychologique était de deux à trois fois supérieure chez les individus présentant des symptômes sévères de l’affection post-COVID-19 par rapport à ceux avec des symptômes légers. »​.

Spécificité des besoins pour les symptômes cognitifs

L’un des constats préoccupants de l’étude est le faible accès aux soins pour les symptômes cognitifs comme les troubles de la mémoire et de la concentration. Bien que 32 % des travailleurs et travailleuses de la santé aient souhaité des services pour ces problèmes cognitifs, seulement 2 % d’entre eux ont pu y accéder. Cette situation met en lumière un besoin critique pour des services spécialisés, souvent ignorés dans les soins de suivi post-COVID-19.

« Finalement 32 % des cas d’affection post-COVID-19 auraient souhaité des services pour la mémoire, la concentration et l’attention, mais seulement 2 % des cas les ont obtenus. »​.

Utilité publique et recommandations pour améliorer l’accès aux soins

Ces résultats montrent l’importance de renforcer les ressources en santé pour répondre aux besoins spécifiques des personnes atteintes d’affection post-COVID-19. En l’absence de ces services, le risque est que les travailleurs et travailleuses de la santé continuent à souffrir de manière prolongée, ce qui pourrait, à long terme, affecter la résilience du système de santé lui-même.

« La prise en charge de l’affection post-COVID-19 pose de grands défis au système de santé et de services sociaux et à la société québécoise de façon plus générale. »​.

Pour finir cette synthèse étendue, nous allons passer à la conclusion et recommandations, en insistant sur les implications de l’étude pour la santé publique et les actions à envisager pour répondre aux besoins des travailleurs et travailleuses de la santé touchés par l’affection post-COVID-19.

5. Conclusion et recommandations

Synthèse des enseignements clés

L’étude met en lumière des enseignements cruciaux sur l’ampleur et les impacts de l’affection post-COVID-19 parmi les travailleurs et travailleuses de la santé au Québec. Les taux élevés de prévalence, particulièrement chez ceux qui ont subi des réinfections ou une infection initiale sévère, révèlent l’urgence de renforcer les mesures de prévention et de suivi pour cette population essentielle. Les besoins en soins, allant des traitements médicaux aux services de réadaptation et de soutien psychologique, sont massifs mais restent en grande partie insatisfaits.

« Avec une prévalence d’environ 6 % parmi les travailleurs et travailleuses de la santé à l’été 2023, le nombre d’adultes québécois touchés par l’affection post-COVID-19 est déjà élevé. Ce nombre pourrait augmenter avec la transmission persistante du SRAS-CoV-2 et un risque d’affection post-COVID-19 qui progresse avec le nombre d’infections. »​.

Recommandations pour une réponse de santé publique adaptée

  1. Améliorer l’accès aux soins de réadaptation et de soutien psychologique
    Les résultats montrent que les besoins en soins de réadaptation et en soutien pour les symptômes cognitifs restent largement insatisfaits. Il est essentiel d’augmenter l’offre de ces services pour garantir que les travailleurs et travailleuses de la santé puissent recevoir les soins nécessaires pour une récupération optimale.
  2. Prioriser le suivi des cas graves et des symptômes cognitifs
    Pour les cas d’affection post-COVID-19 avec des symptômes modérés à sévères, il est important de mettre en place un suivi régulier et spécialisé, notamment pour les symptômes cognitifs qui affectent la mémoire, la concentration et les capacités fonctionnelles. La reconnaissance de ces besoins spécifiques est impérative pour une prise en charge complète.
  3. Renforcer les mesures de prévention dans le milieu de travail
    Les données sur l’augmentation du risque avec les réinfections suggèrent la nécessité de maintenir des mesures préventives robustes dans le secteur de la santé, pour limiter la transmission et donc les réinfections parmi les travailleurs et travailleuses de la santé.
  4. Promouvoir la recherche et la sensibilisation sur l’affection post-COVID-19
    Cette étude souligne le besoin de continuer les recherches sur les impacts et les soins nécessaires pour l’affection post-COVID-19. Une sensibilisation accrue peut aussi aider à mieux comprendre l’ampleur de cette condition et à mobiliser des ressources adaptées.

Implication sociétale et appel à l’action

L’étude conclut que l’affection post-COVID-19 présente un défi majeur pour le système de santé. En répondant aux besoins des travailleurs et travailleuses de la santé, le Québec pourra mieux préparer son système de soins pour gérer les effets à long terme de la pandémie, tout en protégeant ceux qui se trouvent en première ligne.

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